Chevaux Agés
par Anne Caumont et Peau d’Ours
Peau d’Ours est co-auteure de cet article. Islandaise âgée aujourd’hui de 35 ans, c’est elle qui m’a amenée à chercher à comprendre, à trouver des solutions spécifiques à chaque étape de son vieillissement. Elle a failli mourir plusieurs fois, me poussant à des recherches parfois désespérées, mais au final elle est plus belle à 35 ans qu’à 25… Je la soupçonne de m’avoir coachée pas à pas dans cette direction pour que cela puisse bénéficier à ses semblables de plus en plus nombreux en situation similaire. C’est pourquoi nous sommes heureuses de vous faire partager le fruit de notre expérience commune. Qui n’est (heureusement pour elle et pour moi !), pas exhaustive. |
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Un cheval âgé qui ne mange plus ou qui mange mais maigrit, sans autre signe, doit vous faire appeler le dentiste ou le vétérinaire rapidement pour vérification : les dents des chevaux âgés peuvent se déchausser et bouger dans la gencive, jusqu’en bas de la racine – des débris alimentaires pénètrent alors entre la dent et la gencive, parfois jusqu’en bas (plusieurs cm), ce qui est très douloureux et décourage le cheval de manger, et quand il mange il mâche moins bien donc assimile moins bien. Le traitement est simple : enlever la dent, et le cheval reprend tout de suite son activité alimentaire et reprend du poids rapidement. On
recommande couramment de vérifier l’état des dents une fois par an. Dans
le cas d’un cheval âgé qui ne mange plus, ce n’est pas parce qu’il a été
vu par un dentiste 3 mois auparavant qu’il faut écarter l’hypothèse d’un
problème de déchaussement dentaire. |
Par symptômes, voici quelques questions à se poser si on est en panne d’hypothèse : · Amaigrissement > dents ? Cushing ? · Anorexie > dents ? · Pelotes d’herbe retrouvées par terre > dents ? · Poil sec comme du foin > alimentation ? · Poil de plus en plus long, qui ne tombe plus, frise parfois > Cushing ? · Dépression, cheval tête basse et prostré > alimentation ? · Problèmes de peau et de cicatrisation > alimentation ? Cushing ? · Fourbure > Cushing ? · Abcès à répétition et autres infections > Cushing? · Augmentation de la prise de boisson > Diabète : Cushing ? · Coliques > Vermifuges ?
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Le stock de molaires n’étant pas infini, il arrive un moment où le cheval n’a plus assez de dents pour s’alimenter à base d’herbe sur pied ni de foin. Dans ce cas le cheval continue à brouter toute la journée, mais il maigrit et l’observateur attentif retrouvera dans le box ou dans le parc des pelotes d’herbe plus ou moins mâchée, mais insuffisamment pour être avalée : le cheval passe donc sa journée à brouter, tourner l’herbe dans sa bouche, et recracher la pelote, puis recommencer : il perd de l’état. En général il peut encore manger, même sans dent, l’herbe toute neuve quand il arrive dans un parc, mais au bout de 10 jours il n’y a plus rien d’avalable pour lui. La seule solution consiste à nourrir le cheval à base de foin haché. Il doit être haché très fin (moins d’un cm) pour être avalable. Il existe des machines pour hacher le foin, nous n’avons pas fait l’expérience. Cette pratique et ces machines semblent assez courantes au Canada et en Suisse où il paraît que l’armée hachait le foin pour ses chevaux pour qu’ils mangent plus vite, assimilent mieux et disposent de plus de temps pour se reposer. Nous ne savons donc pas si ces machines hachent suffisamment fin.
Dans une période de panne de fournisseur, nous avons haché du foin avec
une débrousailleuse à fil dans une grande poubelle de 100 litres, cela
marchait, mais un peu fastidieux… Actuellement à notre connaissance le
seul foin haché suffisamment fin sur le marché est le ‘Pré
Alpin’ vendu par la marque allemande St Hippolyt.
Il est vendu sous forme de sacs de bouchons, et il faut impérativement
pour un cheval âgé le réhydrater 20 minutes avant de le donner. Cela
donne de l'herbe hachée fin, à laquelle on peut rajouter du muesli pour
varier les apports.
En cas de problèmes dentaires, si le cheval n’a plus assez de molaires, il ne peut plus mâcher : il faut lui donner du foin haché (cf. ci-dessus ‘Dents’) Le cheval âgé n’a plus une digestion aussi performante que le jeune, il a besoin qu’un certain nombre de nutriments lui soient apportés dans l’alimentation car il n’est plus capable soit de les synthétiser, soit de les extraire d’une alimentation rustique. Il peut donc être intéressant de lui adjoindre un muesli spécifique pour chevaux âgés, hautement digestible, de bonne qualité. Plusieurs marques en proposent. Ce muesli peut être mélangé au foin haché réhydraté. Pour donner un repère : Peau d’Ours (islandaise, 35 ans, 1.25m, 300 kg environ) mange matin et soir 2.5 l de bouchons de ‘Pré Alpin’ (que nous réhydratons en recouvrant d’eau, au fond d’un seau) + 1 l de muesli ‘Beste Jahre’ (toujours de St Hippolyt).
Le cheval âgé comme l’humain doit souvent être complémenté en acides gras essentiels, les fameux oméga 3 et oméga 6. Les symptômes de carence sont :
La
complémentation est on ne peut plus simple : il faut rajouter dans la
ration quotidienne ½ verre d’huile de table contenant des
omégas 3 et 6 (comme ces acides gras sont à la mode, c’est bien mis
en avant sur les étiquettes des bouteilles). L’amélioration peut être
spectaculaire. L'huile n'entraine pas d'inconvénient digestif et
constitue un apport énergétique supplémentaire.
Pour aider à l’assimilation des nutriments, le cheval âgé peut avoir besoin d’être particulièrement complémenté en probiotiques (levures vivantes par exemple). Ces compléments alimentaires sont intéressants en cure à tout âge, mais le cheval âgé peut bénéficier d’un traitement plus ou moins continu, s’il n’est plus capable d’entretenir sa flore intestinale. Son état général s’améliore alors de façon visible car le cheval est extrêmement dépendant de la qualité de sa flore intestinale pour tirer profit de son alimentation. C’est le premier traitement que nous avons mis en place pour Peau d’Ours, il y a 10 ans, et il a eu un effet très visible sur l’état de son poil, qui est un reflet de l’état général - et lorsque nous arrêtions, elle perdait rapidement, donc nous avons opté pour une complémentation quotidienne toute l’année. Ensuite avec la mise en place d’autres traitements, nous aurions pu arrêter, mais il n’y a pas de raison pour que sa flore intestinale soit améliorée par les autres traitements… c’est pourquoi nous avons décidé de continuer à vie.
Une petite cure d’oligo-éléments au printemps et à l’automne ne peut qu’être bénéfique.
Le cheval âgé supporte moins bien les à-coups, et par ailleurs son immunité peut être moins bonne. C’est pourquoi il ne faut pas négliger la gestion du parasitisme, et ne pas oublier les ténias qui peuvent causer des coliques et sont présents selon certaines recherches chez 80 % des chevaux. Les vermifuges classiques de les atteignent pas. Ils ne sont pas souvent visibles à la coproscopie.
Le Cushing est un syndrome fréquent chez le cheval âgé. Il peut se manifester notamment par un ou plusieurs des symptômes suivants :
Le Cushing du cheval est toujours d’origine hypophysaire (dégénérescence tumorale bénigne d’une partie de l’hypophyse). Il existe des traitements, et cela n’est pas forcément encore bien connu de tous. Une possibilité est l’homéopathie si vous avez un bon homéopathe.
Plus classiquement la maladie répond bien au pergolide mésilate.
Ce médicament de médecine humaine est initialement un traitement
adjuvant pour certaines maladies de
Parkinson. Il doit être dosé et prescrit par le vétérinaire. Le
traitement doit être effectué à vie, tous les jours, et il n’y a pas
d’accoutumance donc la dose efficace reste la même pour toute la
vie du cheval.
Sous traitement, la pousse du poil se normalise et sa chute aussi. Il ne
reprend pas forcément l’aspect d’un poil de jeune cheval, c’est ‘normal’.
Ostéopathe Je ne suis pas sûre qu’il y ait des problèmes ostéopathiques spécifiques au cheval âgé, mais un contrôle de temps en temps devrait faire partie de l’hygiène de base et ne peut qu’être bénéfique.
Bibliographie Le livre qui nous a aidés à réfléchir dans les moments cruciaux, notamment sur le vieillissement de la fonction digestive et la physiologie spécifique du cheval âgé : La retraite de votre cheval, de François CARRARA - Editeur : FRANCE AGRICOLE. Ce livre semble n’être plus édité, peut-être trouvable en occasion… et je ne lui connais pas d’équivalent actualisé.
Conclusion Nous espérons que ces pistes de réflexion vous seront utiles. Peau d’Ours vous salue bien, il lui arrive encore de faire la course au galop avec ses enfants dans des endroits où nous humains avons du mal à tenir debout… elle fait toujours des démarrages en poussant des cris quand la nourriture n’arrive pas assez vite, et elle a gardé son statut de dominante parmi les 6 autres poneys qui vivent avec elle - personne ne s'aventure à le remettre en cause. |